La Basque si j'y suis

Ce n'est pas faute de l'avoir cherché mais il faut se rendre à l'évidence, en Argentine, la basquitude, ça n'existe pas ! Ils sont pourtant partout, les descendants des 800000 basques qui ont émigré ici: il y a 3,5 million d'Argentins portant un patronyme basque. Nombre d'entre eux se sont illustrés, enrichis et sont devenus des notables. Cela se voit dans les noms de rues. Entre deux dates (voir article précédent), on trouve comme nom d'avenues "Juan de Garay", "Hipolito Yrigoyen", "Bernado de Irigoyen" (le premier fut président à deux reprises, le deuxième ministre des affaires étrangères).

Certains sites bascophiles attribuent la naissance de Mar del Plata à un Basque, Pedro Luro (de Gamarthe pour les intimes, pas pour les Marplatenses). Les historiens eux, estiment que la ville a été fondée par Patricio Peralta Ramos et que Pedro Luro lui a donné, quelques dizaines d'années plus tard, son essort économique. Et si l'on en croit les affiches électorales qui tapissent ces jours-ci les murs de la ville (tout le pays vote le 27 octobre pour élire 127 députés et 24 sénateurs) ce basque à fait école:

Deux des candidats de cette circonscription sont Martin Insaurralde et Juan Curutchet (ils pour le parti de la présidente Kirschner).

Cela dit, si la plupart des personnes portant des noms basques connaissent l'origine géographique de leurs ancêtres, cela s'arrête là. Dans une des estancias où nous nous avons logé, il y avait un chistera (grand). Décoratif, récupéré dans le grenier d'un ami nos a dit la propriétaire qui avait effectivement un grand-père basque mais d'où, arrivé quand et pourquoi, elle n'en savait pas plus et visiblement, elle ne voulait pas en savoir plus. J'ai aussi eu un certain succès avec un Federico Garay. C'est le nom qui était inscrit sur son uniforme de contrôleur sanitaire (une vérification sur les fruits et légumes qu'il faut passer quand on change de province). Donc, Federico Garay voulait savoir ce qu'il y avait dans le coffre de la voiture. "Du linge sale, si vous avez une machine à laver, je vous le laisse..." Il a pas trop ri alors pour le détendre je lui ai dit qu'il portait un nom basque. "Ah bon?"   Il a sans doute failli ajouter "je m'en fous" mais c'était un fonctionnaire bien élevé.

Nous avons vu deux restaurants basques. L'un à Buenos Aires aurait pu tout aussi arborer un drapeau italien ou mexicain, l'autre ici, dans un quartier un peu isolé de Mar del plata. Là, il y a avait le décor qui allait bien, avec les lauburu, ikurrina mais menu en espagnol. Bref, le rayonnement de la culture basque ne nous a pas paru déborder du périmètre de quelques associations culturelles. D'autant que nous avons fini par comprendre que tous ces drapeaux bleu ciel et blanc n'étaient pas ceux de supporters de l'Aviron bayonnais.

D'ailleurs, les Argentins ont certes conscience d'être des descendants d'émigrés européens mais ils ne connaissent que le pays d'origine, rarement plus, de leurs ancêtres. Notre conclusion est que le départ d'Italie, de France ou d'Espagne, se faisait sur fond de pauvreté et le retour ne pouvait s'envisager que tête hautre et fortune faite. Ce ne fut pas le cas, à cause de l'appropriation très rapide des terres par la toute première vague d'immigrants. Les suivants ne furent que des employés agricoles perdus dans la pampa ou des ouvriers des abattoirs de Buenos Aires. Cela explique sans doute pourquoi les ponts ont été coupés. Ils se sont consolés de l'oubli familial en construisant, au fil des ans, un patriotisme bien argentin. Cela fait que les questions identitaires ne sont pas portées aujourd'hui par l'arrière-petit-fils d'immigrant, basque ou autre, mais par les rares descendants des peuples Mapuches ou Quilmes, chassées de leurs terres par les colons et dont quelques uns seulement ont survécu aux massacres et aux déportations.